Je viens de finir L’Assassin à la pomme verte, juste à temps pour l’événement à la librairie ce soir. Félicitations à Carlier d’être sélectionné pour le prix du premier roman. Quel honneur !
C’était un vrai plaisir de le lire. (Même si, à cause de mon français faible, je suis sûre que beaucoup de subtilités m’ont manqués.) J’apprécie, surtout, le style : c’est élégant, philosophique, poétique mais concis, hanté, et il me donne la peau des poulets. C’est un conte moral tellement séducteur et malin. Quelques comparaisons qui me viennent vite : les films d’Eric Rohmer (surtout les contes morales). Les films d’Alfred Hitchcock (surtout Rope). Le film Crimes and Misdemeanors de Woody Allen (c’est-à-dire Woody Allen quand il est le plus profond). Paul Auster (surtout The New York Trilogy). Comme Auster, Carlier mélange la philosophie avec l’art des policiers (c’est comme quelques journalistes ont dit vis à vis Auster, « Kafka goes gumshoe. »
J’adore comment Carlier décrit l’hôtel comme un microcosme du monde. L’insularité donne l’air du luxe et de la prison. C’est un zoo, comme Sébastien nous dit, si éloquemment :
« Rivé à mon poste, comme un gardien de zoo, je vois sortir le soir les panthères hautaines et les longs reptiles qui déplient avec lenteur leurs anneaux sous la lune. Leur présence chasse les espèces communes que je croise dans ma vie a rebours : bancs de poissons ternes et grisâtres, singes pouilleux, oiseaux au cou maigre et mite. »
Sébastien est un personnage tres expresif, un observateur astucieux. J’aime la façon qu’il voit tout, alors meme que personne ne le voit. Par exemple :
« Dans quelques heures, quand je me réveillerai entre mes murs, l’hôtel m’apparaitra comme un rêve étrange. L’illusion durera jusqu’au moment ou je reprendrai mon service. Il m’est arrivé de rencontrer des clients qui venaient se promener à Montmartre pendant la journée, et dont le hasard me faisait croiser la route. Ils ne m’ont jamais reconnu. »
Les échos (comme le couteau de l’assassin qui réapparait à la réception de l’hôtel et sur le bagage de Craig) sont lyrique dans une manière très satisfaisantes. Et la façon que la phase « ti amo » est ressuscité dans la lettre de Vicky (dans laquelle elle fait semblant d’être Craig) a l’air poétique et aussi de la justice poétique. Les parallélismes sont très bien composés, comme une machine élégante.
Encore une autre section que j’aime bien, de la part de Craig, séduisaient beau, avec son ambiance de promis et du retenue. Je ne penserai pas d’une chambre d’hôtel dans la même manière à partir de lire ce passage-ci :
« La salle de bains est un territoire mystérieux de la féminité. Mais, par une indiscrétion inhérente aux grands hôtels, je savais tout, ce soir-la, de l’intimité d’Elena : la texture du peignoir qu’elle jetterait sur ses épaules en sortant de son bain, la couleur de la serviette qu’elle nouerait autour de ses cheveux et l’odeur du savon au miel qui laissait une trainée dorée sur l’email de sa baignoire. Je portais à mes pieds les mules en éponge dans lesquelles elle avait enfilé les siens. Je connaissais le chiffre de l’oreiller ou elle poserait la tête en s’endormant. Pour éteindre la lampe de chevet, nous ferions le même geste, pratiquement à la même heure. »
Je suis impatiente pour ce soir, quand je peux aller à la librairie ou l’auteur lira quelques passages et signera mon copie. Ce sera mon premier événement littéraire ici, à Paris !